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XXJe NOUVELLE

La Royne, voyant son visaige si constant & sa parole tant véritable, ne luy peut respondre par raison &, en continuant de la reprendre & injurier par collère, se print à pleurer en disant : « Malheureuse que vous estes, en lieu de vous humilier devant moy & de vous repentir d’une faulte si grande, vous parlez audatieusement sans en avoir la larme à l’œil ; par cela monstrez bien l’obstination & la dureté de vostre cueur. Mais, si le Roy & vostre père me veulent croyre, ils vous mectront en lieu où vous serez contraincte de parler autre langage.

— Madame, respondit Rolandine, pource que vous m’accusez de parler trop audatieusement, je suis délibérée de me taire s’il ne vous plaist de me donner congé de vous respondre. »

Et, quand elle eut commandement de parler, luy dist :

« Ce n’est poinct à moy, Madame, à parler à vous, qui estes ma Maistresse & la plus grande Princesse de la Chrestienté, audatieusement & sans la révérence que je vous doibts, ce que je n’ay voulu ne pensé faire ; mais, puisque je n’ay advocat qui parle pour moy sinon la verité, laquelle moy seule je sçay, je suis tenue de la déclairer sans craincte, espérant que, si elle est bien congnue de vous, vous ne m’estimerez telle qu’il vous a pleu me nommer. Je ne crains que créature mortelle en-