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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/178

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IIJe JOURNÉE

tende comme je me suis conduicte en l’affaire dont l’on me charge, puisque je sçay que Dieu & mon honneur n’y sont en riens offensez. Et voilà qui me faict parler sans craincte, estant seure que Celluy qui voit mon cueur est avecq moy, &, si ung tel juge estoyt pour moy, j’aurois tort de craindre ceux qui sont subjects à son jugement. Et pourquoy doncques dois je pleurer, veu que ma conscience & mon cueur ne me reprennent poinct en ceste affaire & que je suis si loing de m’en repentir que, si c’estoit à recommencer, je ferois ce que j’ay faict ? Mais vous, Madame, avez grande occasion de pleurer, tant pour le grant tort que en toute ma jeunesse vous m’avez tenu que pour celuy que maintenant vous me faictes de me reprendre devant tout le monde d’une faulte qui doibt estre imputée plus à vous que à moy. Quand je aurois offensé Dieu, le Roy, vous, mes parens & ma conscience, je serois bien obstinée si de grande repentance je ne pleurois. Mais d’une chose bonne, juste & saincte, dont jamais n’eust été bruict que bien honorable, sinon que vous l’avez trop tost esventé, monstrant que l’envie que vous aviez de mon deshonneur estoit plus grande que de conserver l’honneur de vostre Maison & de voz parens, je ne dois plorer. Mais, puis que ainsy il vous plaist, Madame, je ne suis pour vous contredire, car, quand vous m’ordonnerez telle peine