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XXJe NOUVELLE

— Voilà donc une raison, » dist Hircan, « fondée sur vostre fantaisie, de vouloir soustenir que les femmes honnestes peuvent laisser honnestement l’amour des hommes & non les hommes celle des femmes, comme si leur cueur étoit différent ; mais, combien que les visaiges & habitz le soyent, si croy je que les voluntez sont toutes pareilles, sinon d’autant que la malice plus couverte est la pire. »

Parlamente avecq ung peu de colère luy dist :

« J’entends bien que vous estimez celles les moins mauvaises de qui la malice est descouverte.

— Or laissons ce propos là, » dist Simontault, « car, pour faire conclusion du cueur de l’homme & de la femme, le meilleur des deux n’en vaut riens ; mais venons à sçavoir à qui Parlamente donnera sa voix pour oyr quelque beau compte.

— Je la donne, » dist-elle, « à Geburon.

— Or, puis que j’ay commencé, » dist-il, « à parler des Cordeliers, je ne veux oublier ceulx de Sainct-Benoist & ce qui est advenu d’eux de mon temps, combien je n’entends en racomptant une histoire d’un meschant Religieux, empescher la bonne opinion que vous avez des gens de bien ; mais, veu que le Psalmiste dist que tout homme est menteur, & en ung autre endroict : Il n’en est poinct qui face bien jusques à ung, il me semble qu’on ne peut faillyr d’estimer l’homme tel qu’il est. Car, s’il y a du bien, on le doit attribuer à Celluy qui en est la source & non à la créature, à laquelle par trop donner de gloire ou de louange ou estimer de soy quelque chose de bon, la plus part des personnes sont trom-