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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/196

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IIJe JOURNÉE

mon espérance. » Ce qui fut faict, durant lequel ce regnard ne feit que pleurer, non d’autre dévotion que de regret qu’il avoit de n’estre venu au dessus de la sienne. Et toutes les Religieuses, pensans que ce fust d’amour à la Vierge Marie, l’estimoient ung sainct homme. Seur Marie, qui congnoissoit sa malice, prioit en son cueur de confondre celluy qui desprisoit tant la virginité.

Ainsy s’en alla cest hyppocrite à Sainct-Martin, auquel lieu ce meschant feu qu’il avoit en son cueur ne cessa de brusler jour & nuict & de chercher toutes les inventions possibles pour venir à ses fins, &, pour ce que sur toutes choses il craingnoit l’Abbesse, qui estoit femme vertueuse, il pensa le moyen de l’oster de ce monastère. S’en alla vers Madame de Vendosme, pour l’heure demeurant à La Fère, où elle avoit édifié & fondé ung couvent de Sainct Benoist nommé le Mont d’Olivet, &, comme celluy qui estoit le souverain Réformateur, luy donna à entendre que l’Abbesse du dict Mont Olivet n’estoit pas assez suffisante pour gouverner une telle Communauté. La bonne Dame le pria de luy en donner une autre qui fust digne de cest office, & luy, qui ne demandoit autre chose, luy conseilla de prendre l’Abbesse de Gif pour la plus suffisante qui fust en France. Madame de Vendosme incontinant l’envoya quérir & luy donna la charge de son monastère du Mont d’Olivet.