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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/198

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IIJe JOURNÉE

mal en prison que les ungs dient qu’il y mourut, & les autres qu’il le contraingnit de laisser son habit & de s’en aller hors du Royaume de France ; quoy qu’il en soit, jamais depuis on ne le veit.

Quand le Prieur estima avoir une telle prise sur Seur Marie, s’en alla en la Religion où l’Abbesse faicte à sa poste ne le contredisoit en rien, & là commencea de vouloir user de son auctorité de Visiteur, & feit venir toutes les Religieuses, l’une après l’autre, en une chambre pour les oyr en forme de visitation &, quand ce fut au rang de Seur Marie qui avoit perdu sa bonne tante, il commencea à luy dire :

« Seur Marie, vous sçavez de quel crime vous estes accusée & que la dissimulation que vous faictes d’estre tant chaste ne vous a de rien servy, car on congnoist bien que vous estes tout le contraire. »

Seur Marie luy respondit d’un visaige asseuré : « Faictes moy venir celluy qui m’accuse, & vous verrez si devant moy il demeurera en sa mauvaise opinion. »

Il luy dist : « Il ne nous fault aultre preuve, puis que le Confesseur a esté convaincu. »

Seur Marie luy dist : « Je le pense si homme de bien qu’il n’aura poinct confessé une telle mensonge ; mais, quand ainsy seroit, faictes le venir