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IIJe JOURNÉE

Seur Marie luy respondit par collère : « Vous m’avez tant tenu de propos de la folle amour que vous me portez, que j’estime plustost que vous me voulez oster ma virginité que de la visiter, par quoy entendez que jamais je ne m’y consentiray. »

Alors il luy dist qu’elle estoit excommuniée de refuser l’obédience de saincte religion &, si elle ne consentoit, qu’il la deshonoreroit en plain Chapitre & diroit le mal qu’il sçavoit d’entre elle & le Confesseur.

Mais elle d’un visaige sans paour luy respondit : « Celluy qui congnoist le cueur de ses serviteurs me rendra autant d’honneur devant luy que vous me sçauriez faire de honte devant les hommes. Par quoy, puisque vostre malice en est jusques là, j’aime mieulx qu’elle parachève sa cruaulté envers moy que le desir de son mauvais voulloir, car je sçay que Dieu est juste juge.

À l’heure il s’en alla assembler tout le Chapitre & feit venir devant luy à genoulx Seur Marie, à laquelle il dist par ung merveilleux despit :

« Seur Marie, il me desplaist que les bonnes admonitions que je vous ay données ont esté inutiles en vostre endroict, & que vous estes tumbée en tel inconvénient que je suis contrainct de vous imposer pénitence contre ma coustume. C’est que, ayant examiné vostre Confesseur sur aucuns crimes à luy imposez, m’a confessé avoir abusé de