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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/210

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IIJe JOURNÉE

Or advint ung jour que la femme du dict Gentil homme, qui estoit belle & non moins saige que vertueuse, avoit faict ung beau fils, dont l’amitié que le mary luy portoit augmenta doublement, &, pour festoyer la commère, envoya quérir un sien beau-frère. Or, ainsi que l’heure du soupper approchoit, arriva ung Cordelier, duquel je céleray le nom pour l’honneur de la Religion. Le Gentil homme fut fort aise quand il veit son Père spirituel, devant lequel il ne cachoyt nul secret, &, après plusieurs propos tenuz entre sa femme, son beau-frère & luy, se meirent à table pour soupper, durant lequel ce Gentil homme, regardant sa femme, qui avoit assez de beaulté & de bonne grace pour estre desirée d’un mary, commencea à demander tout hault une question au beau Père :

« Mon Père, est il vray que ung homme pèche mortellement de coucher avecq sa femme pendant qu’elle est en couche ? »

Le beau Père, qui avoit la contenance & la parole toute contraire à son cueur, luy respondit avecq ung visaige collère :

« Sans faulte, Monsieur, je pense que ce soyt ung des grands péchez qui se facent en mariage, & ne fusse que l’exemple de la benoiste Vierge Marie, qui ne voulut entrer au Temple jusques après les jours de sa purification, combien qu’elle