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IIJe JOURNÉE

ung tel cry que une femme qui couchoit en la chambre se leva à grande haste pour allumer la chandelle. Et à l’heure, voyant sa maistresse pendue & estrangée à la corde du lict, l’enfant estouffé & mort dessoubz ses pieds, s’en courut toute effrayée en la chambre du frère de sa maistresse, lequel elle amena pour veoir ce piteux spectacle.

Le frère, ayant mené tel deuil que peut & doit mener ung qui aime sa seur de tout son cueur, demanda à la Chambèriere qui avoit commis ung tel crime. La Chambèriere luy dist qu’elle ne sçavoit & que autre que son maistre n’estoit entré en la chambre, lequel, n’y avoit guères, en estoit party. Le frère, allant en la chambre du Gentil homme & ne le trouvant poinct, creut asseurément qu’il avoit commis le cas &, prenant son cheval sans autrement s’enquérir, courut après luy & l’attaingnit en ung chemin où il retournoit de poursuivre son Cordelier, bien dolent de ne l’avoir attrappé.

Incontinent que le frère de la Damoiselle veit son beau-frère, commencea à luy crier : « Meschant & lasche, desfendez vous, car aujourdhuy j’espère que Dieu me vengera de vous par ceste espée. » Le Gentil homme, qui se vouloit excuser, veit l’espée de son beau-frère si près de luy qu’il avoit plus besoing de se défendre que de s’enqué-