Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/219

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
205
XXIIJe NOUVELLE

rir de la cause de leur débat, & lors se donnèrent tant de coups & à l’un & à l’autre que le sang perdu & la lasseté les contraingnit de s’asseoir à terre, l’un d’un costé & l’autre de l’autre.

Et, en reprenant leur haleyne, le Gentil homme luy demanda : « Quelle occasion, mon frère, a converty la grande amitié que nous nous sommes tousjours portée en si cruelle bataille ? »

Le beau-frère luy respondit : « Mais quelle occasion vous a meu de faire mourir ma seur, la plus femme de bien qui oncques fut, & encores si meschamment que, soubz couleur de vouloir coucher avecq elle, l’avez pendue & estranglée à la corde de vostre lict ? »

Le Gentil homme, entendant ceste parole, plus mort que vif, vint à son frère &, l’embrassant, luy dist :

« Est il bien possible que vous ayez trouvé vostre seur en l’estat que vous dictes ? »

Et, quant le frère l’en asseura : « Je vous prie, mon frère, » dist le Gentil homme, « que vous oyez la cause pour laquelle je me suis party de la maison, » & à l’heure il luy feit le compte du meschant Cordelier, d’ont le frère fut fort estonné & encores plus marry de ce que contre raison il l’avoit assailly, &, en luy demandant pardon, luy dist : « Je vous ay faict tort, pardonnez moy. »

Le Gentil homme luy respond : « Sy je vous ay