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XXIIJe NOUVELLE

dédiée pour les beaux Pères, mais maintenant ilz sont tant congncuz qu’on les craint plus que advanturiers.

— Il me semble, » dist Parlamente, « que une femme estant dans le lict, si ce n’est pour luy administrer les sacrements de l’Église, ne doibt jamais faire entrer Prebstre en sa chambre &, quand je les y appelleray, on me pourra bien juger en danger de mort.

— Si tout le monde estoit ainsi austère que vous, » dist Ennasuite, « les pauvres Prebstres seroient pis qu’excommuniez d’estre séparez de la veue des femmes.

— N’en ayez poinct de paour, » dist Saffredent, « car ils n’en auront jamais faulte.

— Comment, » dist Simontault, « ce sont ceulx, qui par mariage nous lient aux femmes, qui essayent par leur meschanceté à nous en deslier & faire rompre le serment qu’ils nous ont faict faire.

C’est grande pitié, » dist Oisille, « que ceulx qui ont l’administration des Sacremens en jouent ainsy à la pelotte ; on les debvroit brusler tout en vie.

— Vous feriez bien mieux de les honorer que de les blasmer, » dist Saffredent, « & de les flatter que de les injurier, car ce sont ceulx qui ont puissance de brusler & deshonorer les autres, par quoy sinite eos, & sçachons qui aura la voix d’Oisille.

— Je la donne, » dist-elle, « à Dagoucin, car je le voys entrer en contemplation telle qu’il me semble préparé à dire quelque bonne chose.

— Puis que je ne puis ne n’ose respondre, » dist Dagoucin, « à tout le moins parleray je d’un à qui telle cruauté porta nuisance & puis profit. Combien que Amour s’estime tant fort & puissant qu’il veult aller tout nud, & luy est chose très ennuyeuse & à la