Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/268

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
254
IIJe JOURNÉE

ser que à aller recepvoir les promesses qui me sont promises de Dieu avant la constitution du monde. »

Et, en ce disant, le baisa & l’ambrassa de toutes les forces de ses foibles bras. Le dict Seigneur, qui avoyt le cueur aussi mort par compassion qu’elle par douleur, sans avoir puissance de luy dire ung seul mot, se retira hors de sa veue sus ung lict qui estoit dedans la chambre, où il s’esvanouyt plusieurs foys.

À l’heure la dame appella son mary &, après luy avoir faict plusieurs remonstrations honnestes, luy recommanda Monseigneur d’Avannes, l’asseurant que après luy c’estoit la personne du monde qu’elle avoyt le plus aymée. Et en baisant son mary luy dist adieu. Et à l’heure luy fut apporté le sainct Sacrement de l’autel après l’extrême unction, lesquelz elle reçeut avecq telle joye comme celle qui est seure de son salut &, voiant que la veue luy diminuoit & les forces luy défailloient, commençea à dire bien hault son In manus.

À ce cry s’éleva le Seigneur d’Avannes de dessus le lict & en la regardant piteusement luy veid randre avec ung doulx soupir sa glorieuse ame à Celluy dont elle estoyt venue. Et, quant il s’apperçeut qu’elle estoyt morte, il courut au corps mort, duquel vivant en craincte il approchoyt, & le vint embrasser & baiser de telle sorte que à