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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/293

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XXXe NOUVELLE

de le mectre hors de la maison. J’ay ung mien parent qui est de là les montz avecq Monseigneur le Grand-Maistre de Chaulmont, lequel se nomme le Cappitaine Monteson, qui sera très aise de le prendre en sa Compaignye. Et pour ce, dès ceste heure icy, emmenez le &, afin que je n’aye nul regret à luy, gardez qu’il ne me vienne dire adieu. »

En ce disant, luy bailla argent nécessaire pour faire son voiage &, dès le matin, feyt partir le jeune homme, qui en fut fort ayse, car il ne désiroit autre chose que, après la joyssance de s’amye, s’en aller à la guerre.

La Dame demoura longuement en grande tristesse & mélencolye, &, n’eust esté la craincte de Dieu, eust maintesfois desiré la fin du malheureux fruict dont elle estoyt pleine. Elle faingnyt d’estre mallade, affin qu’elle vestist son manteau pour couvrir son imperfection, &, quant elle fut preste d’accoucher, regarda qu’il n’y avoyt homme au monde en qui elle eust tant de fiance que en ung sien frère bastard, auquel elle avoyt faict beaucoup de biens, & luy compta sa fortune, mais elle ne dist pas que ce fust de son filz, le priant de vouloir donner services à son honneur, ce qu’il feyt, &, quelques jours avant qu’elle deust accoucher, la pria de vouloir changer l’air de sa maison & qu’elle recouvreroyt plus tost sa santé en la sienne. Alla en bien petite compaignye & trouva là une saige-femme