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IIIJe JOURNÉE

faindre luy vouloir obéyr, tant pour saulver sa vie que pour gaingner le temps qu’elle espéroit que son mary reviendroyt, &, par le commandement du dict Cordelier, commencea à se descoueffer le plus longuement qu’elle peut, &, quant elle fut en cheveulx, le Cordelier ne regarda à la beaulté qu’ilz avoyent, mais les couppa hastivement &, ce faict, la feyt despouiller tout en chemise & luy vestit le petit habit qu’il portoyt, reprenant le sien accoustumé ; & le plus tost qu’il peut s’en part de léans, menant avecq luy son petit Cordelier que si long temps il avoyt desiré.

Mais Dieu, qui a pitié de l’innocent en tribulation, regarda les larmes de ceste pauvre Damoiselle, en sorte que le mary, ayant faict ses affaires plus tost qu’il ne cuydoit, retourna en sa maison par le mesme chemyn où sa femme s’en alloyt. Mais, quant le Cordelier l’apperçeut de loing, il dist à la Damoiselle : « Voicy vostre mary que je voy venir. Je sçay, que, si vous le regardez, il vous vouldra tirer hors de mes mains ; par quoy marchez devant moy & ne tournez la teste nullement du cousté de là où il yra, car, si vous faictes ung seul signe, j’auray plus tost mon poignart en vostre gorge qu’il ne vous aura délivrée de mes mains. »

En ce disant, le Gentil homme approcha & luy demanda d’ont il venoyt ; il luy dist : « De vostre