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IIIJe JOURNÉE

persuader à croyre ce qu’ilz croyoient. Mais luy qui estoyt sage, après y avoir bien pensé, leur fit de rechef dire les parolles du jurement, lesquelles ayant bien pensées :

« Elle vous a dict vérité & si vous a trompés, car elle a dict que jamais homme ne luy toucha non plus que son frère, & je pense pour vérité que son frère luy a faict cest enffant & veult couvrir sa meschanceté soubz une si grande dissimulation. Mais nous, qui croyons un Jésus Christ venu, n’en debvons plus attendre d’autre. Par quoy allez vous en & mectez le Curé en prison ; je suis seur qu’il confessera la vérité. »

Ce qui fut faict selon son commandement, non sans grandes remontrances pour le scandalle qu’ilz faisoient à cest homme de bien. Et, si tost que le Curé fut prins, il confessa sa meschanceté & comme il avoyt conseillé à sa seur de tenir les propos qu’elle tenoyt pour couvrir la vie qu’ilz avoient menée ensemble, non seullement d’une excuse légière, mais d’un faulx donné à entendre, par lequel ilz demoroient honorez de tout le monde. Et dist, quand on luy meist au devant qu’il avoyt esté si meschant de prendre le corps de Nostre Seigneur pour la faire jurer dessus, qu’il n’estoyt pas si hardy & qu’il avoyt prins ung pain non sacré ny bénist.

Le rapport en fust faict au Conte d’Angoulesme,