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XXXVJe NOUVELLE

tous ses parens & amys, & de tout le païs, la grande amour qu’il portoyt à sa femme, ung beau jour du moys de may, alla cuyllir en son jardin une sallade de telles herbes que, si tost que sa femme en eust mangé, ne vesquit pas vingt quatre heures, dont il feyt si grand deuil par semblant que nul ne povoyt soupsonner qu’il fust occasion de ceste mort, & par ce moien se vengea de son ennemy & saulva l’honneur de sa Maison.


« Je ne veulx pas, mes Dames, par cela louer la conscience du Président, mais ouy bien monstrer la légièreté d’une femme & la grand patience & prudence d’un homme, vous suppliant, mes Dames, ne vous courroucer de la vérité qui parle quelquefois aussi bien contre nous que contre les hommes, & les hommes & les femmes sont communs aux vices & vertuz.

— Si toutes celles, » dist Parlamente, « qui ont aymé leurs Varlets estoient contrainctes à manger de telles sallades, j’en congnoys qui n’aymeroient poinct tant leurs jardins comme elles font, mais en arracheroient les herbes pour éviter celle qui rend l’honneur à la lignée par la mort d’une folle mère ».

Hircan, qui devinoyt bien pour quoy elle le disoyt, respondit en collère :

« Une femme de bien ne doibt jamais juger ung aultre de ce qu’elle ne vouldroyt faire. »