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IIIJe JOURNÉE

coustume que, aussy tost que sa femme estoyt endormie, se levoyt d’auprès d’elle & ne retournoyt qu’il ne fust près du matin. La Dame de Loué trouva ceste façon de faire mauvaise, tellement que, en entrant en une grande jalousie de laquelle ne vouloyt faire semblant, oublya les affaires de la maison, sa personne & sa famille, comme celle qui estimoyt avoir perdu le fruict de ses labeurs qui estoyt le grand amour de son mary, pour lequel continuer n’y avoyt peyne qu’elle ne portast voluntiers. Mais, l’ayant perdue comme elle voyoyt, fut si négligente de tout le demeurant de la maison que bientost l’on congneut le dommaige que son absence y faisoyt, car son mary d’un costé despendoyt sans ordre & elle ne tenoyt plus la main au mesnaige, en sorte que la maison fut bien tost rendue si embrouillée que l’on commenceoyt à coupper les hauts boys & engaiger les terres.

Quelc’un de ses parens, qui congnoissoit la malladie, luy remonstra la faulte qu’elle faisoyt &, que si l’amour de son mary ne luy faisoyt aymer le proffict de sa maison, que au moins elle eust regard à ses pauvres enfans, la pitié desquelz luy feyt reprendre ses espritz & essaya par tous moyens de regaingner l’amour de son mary. Et ung jour feyt le guet quant il se levoyt d’auprès d’elle, & se leva pareillement avec son manteau de nuict, faisoyt faire son lict &, en disant ses Heures, atten-