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XXXVIIJe NOUVELLE

femme luy dist en pleurant que c’estoyt sa femme, qui avoyt eu tant de pitié de son mauvais traictement qu’elle avoyt ainsy meublé sa maison & luy avoyt recommandé sa santé.

Luy, voiant la grande bonté de sa femme que, pour tant de mauvais tours qu’il luy avoyt faictz, luy rendoyt tant de biens, estimant sa faulte aussy grande que l’honneste tour que sa femme luy avoyt faict &, après avoir donné argent à sa Mestayère, la priant pour l’advenir vouloir vivre en femme de bien, s’en retourna à sa femme, à laquelle il confessa la debte & que, sans le moien de ceste grande doulceur & bonté, il estoit impossible qu’il eust jamais laissé la vie qu’il menoyt, Et despuis vesquirent en bonne paix, laissant entièrement la vie passée.


« Croyez, mes Dames, qu’il y a bien peu de mariz que patience & amour de la femme ne puisse gaingner à la longue, ou ilz sont plus durs qu’une pierre, que l’eaue foible & molle par longueur de temps vient à caver. »

Ce dist Parlamente : « Voylà une femme sans cueur, sans fiel & sans foie.

— Que voullez vous, » dist Longarine, « elle expérimentoit ce que Dieu commande, de faire bien à ceulx qui font mal.

— Je pense, » dist Hircan, « qu’elle estoit amoureuse de quelque Cordelier, qui luy avoit donné en