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IIIJe JOURNÉE

pénitence de faire si bien traicter son mary aux champs que, ce pendant qu’il yroit, elle eut le loisir de le bien traicter en la ville.

— Or çà, » dist Oisille, « vous monstrez bien la malice en vostre cueur ; d’ung bon acte faictes ung mauvais jugement. Mais je croy plus tost qu’elle estoit si mortiffiée en l’amour de Dieu qu’elle ne se soulcyoit plus que du salut de l’ame de son mary.

— Il me semble, » dist Simontault, « qu’il avoyt plus d’occasion de retourner à sa femme quand il avoyt froid en sa mestairie que quant il y estoit si bien traicté.

— À ce que je voy, » dist Saffredent, « vous n’estes pas de l’opinion d’un riche homme de Paris, qui n’eust sçeu laisser son accoustrement, quant il estoit couché avecq sa femme, qu’il n’eust esté morfondu, mais, quand il alloyt veoir sa Chamberière en la cave, sans bonnet & sans souliers, au fons de l’yver, il ne s’en trouvoyt jamais mal, & si estoit sa femme bien belle & sa Chamberière bien layde.

— N’avez vous pas oy dire, » dist Geburon, « que Dieu ayde tousjours aux folz, aux amoureux & aux ivroignes ? Peut estre que cestuy là estoyt luy seul tous les trois ensemble.

— Par cela vouldriez vous conclure, » dist Parlamente, « que Dieu nuyroit aux sages, aux chastes & aux sobres ? Ceulx qui par eulz mesmes se peuvent ayder n’ont poinct besoing d’ayde. Car celluy qui a dist qu’il est venu pour les mallades, & non poinct pour les sains, est venu par la loy de sa miséricorde secourir à noz infirmitez, rompant les arrestz de la rigueur de sa justice, & qui se cuyde saige est fol devant Dieu.