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IIIJe JOURNÉE

commung ny accoustumé que une femme de si grande Maison espouse ung Gentil homme serviteur par amour. Si la mort est estrange, le plaisir aussy est nouveau & d’autant plus grand qu’il a pour son contraire l’oppinion de tous les saiges hommes, & pour son ayde le contentement d’un cueur plain d’amour, & le repos de l’ame, veu que Dieu n’y est poinct offensé. Et, quant à la mort que vous dictes cruelle, il me semble que, puisqu’elle est nécessaire, que la plus briefve est la meilleure, car on sçait bien que ce passaige est indubitable ; mais je tiens heureux ceulx qui ne demeurent poinct longuement aux faulxbourgs, & qui de la félicité qui se peut seulle nommer en ce monde félicité volent souldain à celle qui est éternelle.

— Qu’appelez vous les faulxbourgs de la mort, » dist Simontault ?

— Ceulx qui ont beaucoup de tribulations en l’esperit, » respondit Nomerfide, « ceulx aussi qui ont esté longuement malades & qui, par extrémité de douleur corporelle ou spirituelle, sont venus à despriser la mort & trouver son heure trop tardive, je dis que ceulx là ont passé par les faulxbourgs, & vous diront les hostelleries où ilz ont plus cryé que reposé. Ceste Dame ne povoit faillir de perdre son mary par mort, mais elle a esté exempte par la collère de son frère de veoir son mary longuement malade ou fasché, & elle, convertissant l’ayse qu’elle avoyt avecq luy au service de Nostre Seigneur, se povoyt dire bien heureuse.

— Ne faictes vous poinct cas de la honte qu’elle reçeut, » dist Longarine, « & de sa prison ?