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IJe JOURNÉE

se assembloient, desquelles il estoit mieulx voulu que ne fut oncques François, tant pour sa beaulté, bonne grace & bonne parole, que pour le bruict que chascun luy donnoit d’estre un des plus adroicts & hardys aux armes qui fust poinct de son temps.

Ung jour en masque, à ung carneval, mena dancer une des plus braves & belles Dames qui fust poict en la ville, &, quand les hautsbois faisoient pause, ne failloit à luy tenir les propos d’amour qu’il sçavoit mieux que nul aultre dire. Mais elle, qui ne luy debvoit rien de respondre, luy voulut soubdain mettre la paille au devant & l’arrester, en l’asseurant qu’elle n’aimoit ni n’aimeroit jamais que son mary & qu’il ne s’y attendist en aucune maniere. Pour ceste response ne se tint le Gentil homme refusé, & la pourchassa vivement jusques à la my caresme. Pour toute résolution, il la trouva ferme en propos de n’aymer ne luy ne aultre, ce qu’il ne peut croire, veu la mauvaise grace que son mary avoit & la grande beaulté d’elle. Il se délibéra, puisqu’elle usoit de dissimulation, d’user aussi de tromperie, & dès l’heure laissa la poursuitte qu’il luy faisoit, & s’enquist si bien de sa vie qu’il trouva qu’elle aymoit un Gentil homme italien, bien saige & honneste.

Le dict Seigneur de Bonnivet accointa peu à peu ce Gentil homme par telle doulceur & finesse qu’il ne s’apperceut de l’occasion, mais l’aima si