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IJe JOURNÉE

Hircan dist : « Il me semble, Longarine, que ceste Dame dont vous avez parlé a esté plus meue de despit que de l’amour ; car, si elle eust autant aymé le Gentil homme comme elle en faisoit semblant, elle ne l’eust abandonné pour ung aultre, & par ce discours on la peut nommer despite, vindicative, opiniastre & muable.

— Vous en parlez bien vostre aise, » ce dist Ennasuitte à Hircan ; « mais vous ne sçavez quel crevecueur c’est quand l’on ayme sans estre aymé.

— Il est vray, » ce dist Hircan, « que je ne l’ay guères expérimenté, car l’on ne me sçauroit faire si peu de mauvaise chère que incontinent je ne laisse l’amour & la Dame ensemble.

— Ouy bien vous, » ce dist Parlamente, « qui n’aimez riens que vostre plaisir ; mais une femme de bien ne doibt ainsy laisser son mary.

— Toutesfois, » respondit Simontault, « celle dont le compte est faict a oublié pour ung temps qu’elle estoit femme, car ung homme n’en eust sçeu faire plus belle vengeance.

— Pour une qui n’est pas saige, » ce dist Oisille, « il ne fault pas que les aultres soient estimées telles.

— Toutesfois, » dist Saffredent, « si estes vous toutes femmes, &, quelques beaux & honnestes accoustremens que vous portiez, qui vous chercheroit bien avant soubz la robbe vous trouveroit femmes. »

Nomerfide luy dit : « Qui vous vouldroit escouter, la journée se passeroit en querelles ; mais il me tarde tant d’oyr encores une histoire que je prie Longarine de donner sa voix à quelc’un. »

Longarine regarda Geburon & luy dist : « Si vous