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XLIXe NOUVELLE

jamais sans passetemps, & aymerois je mieulx estre mort qu’elle demorast sans pugnition. »

Ilz demandèrent chacun qu’il leur sembloit qu’elle debvoit avoir, & qu’ilz estoient tous prestz de la luy donner.

« Il me semble, » dist il, « que nous le debvons dire au Roy nostre Maistre, lequel en faict ung cas comme d’une Déesse.

— Nous ne ferons poinct ainsy, » dist Astillon ; « nous avons assez de moien pour nous venger d’elle, sans y appeller nostre Maistre. Trouvons nous demain, quant elle ira à la messe, & que chacun de nous porte une chaine de fer au col, &, quant elle entrera en l’église, nous la saluerons comme il appartient. »

Ce conseil fut trouvé très bon de toute la compaignye, & feirent provision de chacun une chaine de fer. Le matin venu, tous habillez de noir, leurs chaines de fer tournées à l’entour de leur col en façon de collier, vindrent trouver la Contesse qui alloyt à l’église. Et, si tost qu’elle les veid ainsy habillez se print à rire & leur dist :

« Où vont ces gens si douloureux ?

— Madame, » dist Astillon, « nous vous venons accompagner comme pauvres esclaves prisonniers qui sont tenuz à vous faire service. »

La Contesse, faisant semblant de n’y entendre rien, leur dist : « Vous n’estes poinct mes prison-