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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/136

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VJe JOURNÉE

rien, print sa fiance en sa promesse, estimant que le Duc ne vouldroit jamais aller contre telle seureté où l’honneur de sa femme estoit engaigé, & ainsy s’en retourna avecques la Duchesse.

Mais, si tost que le Duc le sçeut, ne faillyt à venir en la chambre de sa femme, où, si tost qu’il eut apperçeu ceste fille, disant à sa femme : « Voylà une telle qui est revenue », se retourna devers les Gentilz hommes, leur commandant la prendre & la mener en prison.

Dont la pauvre Duchesse, qui, sur sa parolle, l’avoyt tirée hors de sa franchise, fut si dèsespèrée, se mectant à genoulx devant luy, luy suplia que pour l’amour de luy & de sa Maison il luy pleust ne faire ung tel acte, veu que pour luy obéyr elle l’avoyt tirée du lieu où elle estoit en seureté.

Si est ce que, quelque prière qu’elle sçeut alléguer, ne sçeut amollir le dur cueur ne vaincre la forte opinion qu’il avoit prinse de se venger d’elle ; mais, sans respondre à sa femme, se retira incontinent le plus tost qu’il peut &, sans forme de justice, obliant Dieu & l’honneur de sa Mayson, feyt cruellement pendre ceste pauvre Damoiselle.

Je ne puis entreprendre de vous racompter l’ennuy de la Duchesse, car il estoit tel que doibt avoir une Dame d’honneur & de cueur, qui sur sa