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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/137

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LJe NOUVELLE

foy voyoit mourir celle qu’elle desiroyt de saulver. Mais encores moins se peult dire l’extrême deuil du pauvre Gentil-homme qui estoit son serviteur, qui ne faillit de se mectre en tout debvoir qu’il luy fut possible de saulver la vie de s’amie, offrant mectre la sienne en lieu ; mais nulle pitié ne sçeut toucher le cueur de ce Duc, qui ne congnoissoit aultre félicité que de se vanger de ceux qu’il hayssoit.

Ainsy fut ceste Damoiselle innocente mise à mort par ce cruel Duc contre toute la loy d’honnesteté, au très grand regret de tous ceulx qui la congnoissoient.


« Regardez, mes Dames, quelz sont les effectz de la malice, quant elle est joincte à la puissance.

— J’avoys bien ouy dire, » ce dist Longarine, « que les Italiens estoient subjectz à trois vices par excellence ; mais je n’eusse pas pensé que la vengeance & cruaulté fût allée si en avant que pour une si petite occasion elle eû donné si cruelle mort. »

Saffredent en riant luy dist : « Longarine, vous nous avez bien dict l’un des trois vices, mais il fault sçavoir qui sont les deux autres.

— Si vous ne les sçaviez, » ce dist-elle, « je les vous apprendrois, mais je suis seure que vous les sçavez tous.

— Par ces parolles, » dist Saffredent, « vous m’estimez bien vitieux.

— Non faiz, » dist Longarine, « mais si bien con-