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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/155

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LIIJe NOUVELLE

Toutefois le Gentil-homme, sçachant bien qu’il ne povoyt dissimuller devant le Prince, vint au matin à son lever luy supplier qu’il ne le voulust poinct déceler & qu’il luy feist randre sa cappe. Le Prince feyt semblant d’ignorer tout le faict & tint si bonne contenance que le Gentil-homme ne sçavoyt où il en estoit. Si est ce que à la fin il oyt autre leçon qu’il ne le pensoyt, car le Prince l’asseura que, s’il y retournoyt jamais, qu’il le diroyt au Roy & le feroit bannyr de la Court.


« Je vous prie, mes Dames, juger s’il n’eût pas mieulx vallu à ceste pauvre Dame d’avoir parlé franchement à celluy qui luy faisoyt tant d’honneur de l’aymer & estimer, que de le mectre par dissimullation jusques à faire une preuve qui luy fut si honteuse.

— Elle sçavoyt, « dist Geburon, « que, si elle luy confessoit la vérité, elle perdroit entièrement sa bonne grace, ce qu’elle ne vouloit pour rien perdre.

— Il me semble, » dist Longarine, « puis qu’elle avoyt choisy un mary à sa fantaisye, qu’elle ne debvoit craindre de perdre l’amityé de tous les autres.

— Je croy bien, » ce dist Parlamente, « que, si elle eust osé déclairer son mariage, elle se fût contantée du mary, mais, puisqu’elle le vouloyt dissimuller jusques ad ce que ses filles fussent mariées, elle ne vouloyt poinct laisser une si honneste couverture.

— Ce n’est pas cela, » dist Saffredent, « mais c’est que l’ambition des femmes est si grande qu’elles ne se contentent jamais d’en avoir ung seul. Mais j’ay oy