Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
182
VJe JOURNÉE

son mary avoyt sa part du plaisir ; mais à la longue ceste vie luy fascha, car d’un costé il trouvoit mauvais qu’elle entretenoit longuement ceulx qu’il ne tenoyt pour ses parens & amys, & d’aultre costé luy faschoit fort la despence qu’il estoit contrainct de faire pour entretenir sa gorgiaseté & pour suyvre la Court. Par quoy le plus souvent qu’il povoyt se retiroit en sa maison, où tant de compagnies l’alloient veoir que sa despence n’amoindrissoyt guères en son mesnage, car sa femme, en quelque lieu qu’elle fust, trouvoyt tousjours moyens de passer son temps à quelques jeuz, à dances & à toutes choses ausquelles honnestement les jeunes dames se peuvent exercer. Et quelques foys que son mary luy disoyt en riant que leur despence estoyt trop grande, elle luy faisoit responce qu’elle l’asseuroyt de ne le faire jamais coqu mais ouy bien coquin, car elle aymoit si très fort les acoutremens qu’il falloyt des plus beaulx & riches qui fussent en la Court, où son mary la menoyt le moins qu’il povoyt & où elle faisoit tout son possible d’aller, & pour ceste occasion se rendoyt toute complaisante à son mary, qui d’une chose plus difficille ne la vouloyt pas refuser.

Or ung jour, voiant que toutes ses inventions ne le povoient gaingner à faire ce voiage de la Court, s’apperçeut qu’il faisoyt fort bonne chère à