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XLJe NOUVELLE

rement ilz vont faire leurs questes, où les occasions leur sont presentées si facilles que c’est miracle quant ils eschappent sans scandalle, qui me faict vous prier, mes Dames, de tourner vostre mauvaise estime en compassion, & pensez que celluy qui aveugle les Cordeliers n’espargne pas les Dames quant il le trouve à propos.

— Vrayement, » dist Oisille, « voylà ung bien meschant Cordelier. Estre Religieux, Prestre & Prédicateur, & user de telle villenye, au jour de Noël, en l’église & soubz le manteau de confession, qui sont toutes circonstances qui aggravent le péché.

— Il semble à vous oyr parler, » dist Hircan, « que les Cordeliers doibvent estre Anges ou plus saiges que les aultres ? Mais vous en avez tant oy d’exemples que vous les debvez penser beaucoup pires, & il me semble que cestuy cy est bien à excuser, se trouvant tout seul de nuyct enfermé avecq une belle fille.

— Voyre, » dist Oisille, « mais c’estoyt la nuyct de Noël.

— Et voylà qui augmente son excuse, » dist Simontault, « car, tenant la place de Joseph auprès d’une belle vierge, il voulloyt essayer à faire ung petit enfant pour jouer au vif le mistère de la Nativité.

— Vrayement, » dist Parlamente, « s’il eust pensé à Joseph & à la Vierge Marie, il n’eut pas eu la volunté si meschante. Toutesfois c’estoyt ung homme de mauvais vouloir, veu que pour si peu d’occasion il faisoyt une si meschante entreprinse.

— Il me semble, » dist Oisille, « que la Contesse en feyt si bonne punition que ses compaignons y povoient prendre exemple.