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VIJe JOURNÉE

dist : « Madame, je voys faire ung beau compte, mais vous me promectez que vous n’en parlerez poinct » ; à l’heure luy dist :

« Madame, le compte est trés véritable, je le prens sur ma conscience ; c’est qu’il y avoyt une Damoiselle maryée, qui vivoyt avec son mary très honnestement, combien qu’il fût vieil & elle jeune. Ung Gentil homme, son voisin, voyant qu’elle avoyt espouzé ce vieillard, fut amoureux d’elle & la pressa par plusieurs années, mais jamais il n’eut responce d’elle sinon telle que une femme de bien doibt faire. Ung jour se pensa le Gentil homme, que s’il la povoyt trouver à son advantaige, que par adventure elle ne luy seroyt si rigoureuse &, après avoir longuement debattu avecq la craincte du danger où il se mectoit, l’amour qu’il avoyt à la Damoiselle luy osta tellement la craincte qu’il se délibéra de trouver le lieu & l’occasion. Et feyt si bon guet que ung matin, ainsy que le Gentil homme, mary de ceste Damoiselle, s’en alloyt en quelque aultre de ses maisons & partoit dès le poinct du jour pour le chault, le jeune folastre vint à la maison de ceste jeune Damoiselle, laquelle il trouva dormant en son lict & advisa que les Chamberières s’en estoient allées dehors de la chambre. À l’heure, sans avoir le sens de fermer la porte, s’en vint coucher tout houzé & esperonné dedans le lict de la Damoiselle &, quant elle s’es-