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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/280

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VIJe JOURNÉE

combien que ma femme n’ayt cause de se plaindre de moy, &, encores que ce fût tel que vous dictes, elle ne s’en sçauroit apparcevoir pour nécessité de chose dont elle ayt besoing.

— Les femmes de bien », dist Longarine, « n’ont besoing d’autre chose que de l’amour de leurs mariz, qui seulement les peuvent contenter, mais celles qui cherchent ung contentement bestial ne le trouveront jamais où honnesteté le commande.

— Appellez vous contentement bestial », dist Geburon, « si la femme veult avoir de son mary ce qu’il luy appartient ? »

Longarine luy respondit : « Je dis que la femme chaste, qui a le cueur remply de vray amour, est plus satisfaicte d’estre aymée parfaictement que de tous les plaisirs que le corps peult desirer.

— Je suis de vostre opinion », dist Dagoucin, « mais ces Seigneurs icy ne le veullent entendre ny confesser. Je pense que, si l’amour réciproque ne contente pas une femme, le mary seul ne la contentera pas, car en vivant de l’honneste amour des femmes fault qu’elle soyt tentée de l’infernale cupidité des bestes.

— Vrayement », dist Oisille, « vous me faictes souvenir d’une Dame, belle & bien maryée, qui, par faulte de vivre de ceste honneste amityé, devint plus charnelle que les pourceaulx & plus cruelle que les lyons.

— Je vous requiers, ma Dame », ce dist Simontault, « pour mectre fin à ceste Journée, la nous vouloir compter.

— Je ne puys », dist Oisille, pour deux raisons, l’une pour sa grande longueur, l’autre pour ce que n’est pas de nostre temps, & si a esté escripte par ung