Aller au contenu

Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/328

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
314
VIIJe JOURNÉE

avoir ? Car, puis que par son bon traictement il ne la povoit guérir, il vouloyt essaier si le contraire luy seroit meilleur, ce que très bien il expérimenta, & m’esbahys comme vous, qui estes femmes, avez déclairé la condition de vostre sexe, qui plus amende par despit que par doulceur.

— Sans poinct de faulte », dist Longarine, « cella me feroyt bien non seullement saillir du lict, mais d’un sépulcre tel que celluy là.

— Et quel tort luy faisoyt il », dist Saffredent, « puisqu’il la pensoyt morte, de se consoler ? car l’on sçaict bien que le lien de mariage ne peut durer sinon autant que la vie, & puis après on est deslié.

— Ouy, deslié », dist Oisille, « du serment & de l’obligation, mais ung bon cœur n’est jamais deslyé de l’amour, & estoyt bien tost oblyé son deuil de ne povoir actendre que sa femme eust poussé le dernier souspir.

— Mais ce que je trouve le plus estrange », dist Nomerfide, « c’est que, voiant la mort & la croix devant ses œilz, il ne perdoit la volunté d’offenser Dieu.

— Voylà une belle raison », dist Symontault. « Vous ne vous esbahiriez doncques pas de veoir faire une folie, mais que on soyt loing de l’église & du cymetière ?

— Mocquez vous tant de moy que vous vouldrez », dict Nomerfide, « si est ce que la méditation de la mort rafroidyt bien fort ung cueur, quelque jeune qu’il soyt.

— Je seroys de vostre opinion », dist Dagoucin, « si je n’avoys oy dire le contraire à une Princesse.