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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/332

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VIIJe JOURNÉE

Ung jour vint à mourir ung pauvre homme, où toutes les Religieuses s’assemblèrent, &, après luy avoir faict tous les remèdes pour sa santé, envoièrent querir ung de leurs Religieux pour le confesser. Puys, voiant qu’il s’affoiblissoit, luy baillèrent l’unction, & peu à peu perdit la parolle.

Mais pour ce qu’il demeura longuement à passer, faisant semblant d’oyr, chacune se mirent à luy dire les meilleures parolles qu’elles peurent, dont à la longue elles se faschèrent ; car, voyans la nuyct venue & qu’il faisoyt tard, s’en allèrent coucher l’une après l’autre, & ne demeura pour ensepvelir le corps que une des plus jeunes avecq ung Religieux, qu’elle craingnoyt plus que le Prieur ny aultre, pour la grande austérité dont il usoyt tant en parolles que en vie.

Et, quand ilz eurent bien cryé leurs Heures à l’oreille du pauvre homme, congneurent qu’il estoyt trespassé, par quoy tous deux l’ensevelirent, &, en exerçant ceste dernière œuvre de miséricorde, commencea le Religieux à parler de la misère de la vie & de la bienheureuseté de la mort, & ces propos passèrent le minuyct.

La pauvre fille ententivement escoutoit ces dévotz propos, & le regardant les larmes aux œilz, où il print si grand plaisir que, parlant de la