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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/333

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LXXIJe NOUVELLE

vie advenir, commencea à l’ambrasser comme s’il eut eu envye de la porter entre ses bras en Paradis.

La pauvre fille, escoutant ces propos & l’estimant le plus dévost de la compaignie, ne l’osa refuser.

Quoy voiant, ce meschant Moyne, en parlant tousjours de Dieu, paracheva avecq elle l’œuvre que soubdain le Diable leur mit au cueur, car paravant n’avoit jamais esté question, l’asseurant que ung péché secret n’estoyt poinct imputé devant Dieu & que deux personnes non liez ne peuvent offencer en tel cas, quant il n’en vient poinct de scandalle, & que, pour l’éviter, elle se gardast bien de le confesser à aultre que à luy.

Ainsy se départirent d’ensemble, elle la première, qui, en passant par une chappelle de Nostre-Dame, voulut faire son oraison comme elle avoit de coustume, &, quant elle commencea à dire : Vierge Marie, il luy souvint qu’elle avoyt perdu ce tiltre de virginité sans force ny amour, mais par une sotte craincte, dont elle se print tant à pleurer qu’il sembloyt que le cueur luy deust fandre.

Le Religieux, qui de loing ouyt ces souspirs, se doubta de sa conversion par laquelle il povoyt perdre son plaisir, dont, pour l’empescher, la vint