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Ve JOURNÉE

mande, & craingnant aussy que, s’il en estoyt quelque bruict & que sa mère le sçeut, elle auroyt occasion de s’en courroucer bien fort, n’osoyt rien entreprendre jusque ad ce que son Gentil homme luy bailla ung moïen si aisé qu’il pensoyt desja la tenir, & pour l’exécuter parleroyt au Sommelier, lequel, délibéré de servir son Maistre en quelque façon que ce fust, pria ung jour sa femme & sa belle seur d’aller visiter leurs vendanges en une maison qu’il avoyt auprès de la forest, ce qu’elles luy promirent.

Quant le jour fut venu, il le feit sçavoir au jeune Prince, lequel se délibéra d’y aller tout seul avecq ce Gentil homme & feit tenir sa mulle prête secretement pour partir quand il seroyt heure. Mais Dieu voulut que ce jour là sa mère accoustroit ung cabinet le plus beau du monde, & pour luy ayder avoyt avec elle tous ses enfans, & là s’amusa ce jeune Prince jusques ad ce que l’heure promise fust passée.

Si ne tint il à son Sommelier, lequel avoyt mené sa seur en sa maison en crouppe derrière luy & feit faire la mallade à sa femme en sorte que, ainsi qu’ilz estoient à cheval, luy vint dire qu’elle n’y sçauroit aller, &, quand il veid que l’heure tardoit que le Prince debvoit venir, dist à sa belle seur :

« Je croy bien que nous povons retourner à la ville.