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XLIJe NOUVELLE

cue ; mais là où ilz n’ont eu puissance contre mon honneur tout l’argent du Monde n’y en sçauroit avoir, lequel vous luy ramporterez, car j’ayme mieulx l’honneste pauvreté que tous les biens qu’on sçauroit desirer. »

Le Gentil homme, voïant ceste rudesse, pensa qu’il la falloyt avoir par cruaulté & vinct à la menasser de l’auctorité & puissance de son Maistre, mais elle en riant luy dist :

« Faictes paour de luy à celles qui ne le congnoissent poinct, car je sçay bien qu’il est si saige & vertueux que telz propos ne viennent de luy, & suys seure qu’il vous desadvouera quant vous les compterez. Mais, quant il seroyt ainsi que vous le dictes, il n’y a torment ne mort qui me sçeut faire changer d’opinion ; car, comme je vous ay dict, puis qu’Amour n’a tourné mon cueur, tous les maulx ne tous les biens que l’on sçauroit donner à une personne ne me sçauroient destourner d’un pas du propos où je suis. »

Ce Gentil homme, qui avoit promis à son maistre de la luy gaigner, luy porta ceste response avecq ung merveilleux despit & le persuada à poursuyvre par tous moïens possibles, luy disant que ce n’estoit poinct son honneur de n’avoir sçeu gaingner une telle femme.

Le jeune Prince, qui ne voulloyt point user d’autres moïens que ceulx que l’honnesteté com-