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XLIIJe NOUVELLE

La Damoiselle Jambicque ne le laissa pas achever son propos, mais luy dist avecq une très grande collère : « Avez vous jamais oy dire ne veu que j’ay eu amy ne serviteur ? Je suis seure que non, & m’esbahys d’ont vous vient ceste hardiesse de tenir telz propos à une femme de bien comme moy, car vous m’avez assez hantée céans pour congnoistre que jamais je n’aimeray autre que mon mary, & pour ce gardez vous de plus continuer ces propoz. »

Le Gentil homme, voyant une si grande fiction, ne se peut tenir de se prendre à rire & de luy dire : « Madame, vous ne m’estes pas tousjours si rigoureuse que maintenant. De quoy vous sert de user envers moy de telle dissimullation ? Ne vault-il pas mieulx avoir une amitié parfaicte que imparfaicte ? »

Jambicque luy respondit : « Je n’ay amityé à vous, parfaicte ne imparfaicte, sinon comme aux autres serviteurs de ma Maistresse ; mais, si vous continuez les propoz que vous m’avez tenu, je pourray bien avoir telle hayne qu’elle vous nuyra. »

Le Gentil homme poursuivyt encores son propos & luy dist : « Et où est la bonne chère que vous me faictes quant je ne vous puys veoir ? Pourquoy m’en privez vous, maintenant que le jour me monstre vostre beaulté, accompaignée d’une parfaicte & bonne grace ? »

Jambicque, faisant un grand signe de la croix, luy dist : « Vous avez perdu vostre entendement,