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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/63

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XLIIIJe NOUVELLE

que, ce qui ne faisoit bien à l’honneur de la fille pource que les personnes de maintenant se scandalisent beaucoup plus tost que l’occasion ne leur en est donnée, & principalement quand c’est en quelque point qui touche la pudicité de belle fille ou femme. Cela fut cause que le père ne feit point le sourd ny l’aveugle au vulgaire caquet & ne voulut ressembler beaucoup d’autres qui, au lieu de censurer les vices, semblent y provoquer leurs femmes & leurs enfans ; car il la tenoit de si court que ceux mesmes qui n’y tendoient que sous voile de mariage n’avoient point ce moyen de la veoir que bien peu, encores estoit ce tousjours avecques sa mère.

Il ne fault pas demander si cela fut fort aigre à supporter à Jaques, ne pouvant résoudre en son entendement que telle austérité se gardast sans quelque grande occasion, tellement qu’il vacilloit fort entre amour & jalousie. Si est ce qu’il se résolut d’en avoir la raison à quelque péril que ce fust ; mais premièrement, pour cognoistre si elle estoit encores de mesme affection que auparavant, il alla tant & vint qu’un matin à l’église, oïant la messe près d’elle, il apperçeut à sa contenance qu’elle n’estoit moins aise de le veoir que luy elle. Aussi luy, cognoissant la mère n’estre si sevère que le père, print quelques fois, comme inopinément, la hardiesse, en les voyant aller de leur logis jusques