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XLIIIJe NOUVELLE

Ainsi fut prins le complot, pour un matin, que la mère & le fils allèrent veoir le sire Pierre, qui les recueillit fort bien, comme vous sçavez que les Marchans ne manquent point de telles drogues. Si feirent desployer grandes quantitez de draps de soye de toutes sortes & choisyrent ce qui leur en falloit ; mais ils ne peurent tomber d’accord, ce que Jaques faisoit à propos pource qu’il ne voyoit point la mère de s’amie, & fallut à la fin qu’ils s’en allassent sans rien faire voir ailleurs quel il y faisoit. Mais Jaques n’y trouvoit rien si beau que chez s’amie, où ils retournèrent quelque temps après.

Lors s’y trouva la dame, qui leur feit le meilleur recueil du monde, &, après les menées qui se font en telles boutiques, la femme du sire Pierre tenant encor plus roide que son mary, Jaques luy dist :

« Et dea, ma Dame, vous estes bien rigoureuse. Voilà que c’est ; nous avons perdu nostre père, on ne nous cognoist plus, » & feit semblant de plorer & de s’essuyer les yeux pour la souvenance paternelle ; mais c’estoit à fin de faire sa menée.

La bonne femme vefve, mère de Jaques, y allant à la bonne foy, dist aussi :

« Depuis sa mort, nous ne nous sommes plus fréquentez que si jamais ne nous fussions veuz.