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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/66

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Ve JOURNÉE

Voilà le compte que l’on tient des pauvres femmes vefves ! »

Alors se racointèrent elles de nouvelles caresses, se promettans de se revisiter plus souvent que jamais, &, comme ils estoient en ces termes, vindrent d’autres Marchans que le maistre mena luy mesme en son arrière boutique. Et le jeune homme, voyant son apoint, dist à sa mère :

« Mais, ma Damoiselle, j’ay veu que ma Dame venoit bien souvent, les festes, visiter les saincts lieux qui sont en noz quartiers, & principalement les Religions. Si quelquefois elle daignoit, en passant, prendre son vin, elle nous feroit plaisir & honneur. »

La Marchande, qui n’y pensoit en nul mal, luy respondit qu’il y avoit plus de quinze jours qu’elle avoit délibéré d’y faire un voyage & que, si le prochain dimanche ensuyvant il faisoit beau, elle pourroit bien y aller, qui ne seroit sans passer par le logis de la Damoiselle & la revisiter. Cette conclusion prinse, aussi fut celle du marché des draps de soye, car il ne falloit pas pour quelque peu d’argent laisser fuyr si belle occasion.

Le complot prins & la marchandise emportée, Jaques, cognoissant ne pouvoir bien luy seul faire une telle entreprise, fut contrainct se déclarer à un sien fidèle amy. Si se conseillèrent si bien ensemble qu’il ne restoit que l’exécution.