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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/69

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XLIIIJe NOUVELLE

voilà perdue pour toute ma vie. En quelle estime m’aurez vous d’oresnavant ? Je me tiens asseurée que vous ne tiendrez plus compte de moy, au moins si vous estes du nombre de ceux qui n’aiment que pour leur plaisir. Hélas, que ne suis-je plus tost morte que de tomber en ceste faulte ? »

Ce n’estoit pas sans verser force larmes qu’elle tenoit ce propos, mais Jaques la reconforta si bien, avec tant de promesses & sermens, qu’avant qu’ils eussent parfourny trois autres tours de jardin & qu’il eust faict le signe à son compagnon, ils rentrèrent encores au préau par un autre chemin, où elle ne sçeut si bien faire qu’elle ne reçeust plus de plaisir à la seconde cotte verte qu’à la première, voire & si s’en trouva si bien dès l’heure qu’ils prindrent délibération pour adviser comment ils se pourroient reveoir plus souvent & plus à leur aise, en attendant le bon loisir du père.

À quoi leur aida grandement une jeune femme, voisine du sire Pierre, qui estoit aucunement parente du jeune homme & bien amie de Françoise, en quoi ils ont continué, sans scandale à ce que je puis entendre, jusques à la consommation du mariage, qui s’est trouvé bien riche pour une fille de Marchand, car elle estoit seule. Vray est que Jaques a attendu le meilleur du temporel jusques au decès