Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome IV.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
105
TROP, PROU, PEU ET MOINS

Mon surnom est espoventable,
Et si n’est pas moins admirable
Que cestuy là, du temps de l’ire
De Dieu, que nully n’osoit lire,
Et semblable est, à sot esprit[1],
Au plus beau nom qu’on puisse escripre,
Ny qui fut onc en libvre escript.

Ma Seigneurie & mon office,
Mon estat & mon exercice,
Est plus grand que toute la Terre :
Nul poisson, sinon l’escrevisse,
Ny parvient, car ma grand justice
Par aultre ne se peut conquerre.
Mon estat est forger tonnerre[2],
Mais si suis je un meschant couard ;
C’est moy qui faictz pour la paix guerre,
Qui fille & tordz à tout la hard.

Ma demeure est en un beau lieu,
Au prys duquel celuy de Dieu
Ressemble Hospital plein d’ordure.
Tout mon passetemps & mon jeu,
C’est me jouer à l’eau, au feu ;
Là se recrée ma nature ;
Sur boys doré, sur pierre dure,
Je suis assis ; là me repose.

  1. Pour un esprit sot ; d sot esprit, qui se comprend, est la leçon du ms. ; l’édition donne : d cest Esprit. — M.
  2. Il faut conserver tonnerre, leçon de l’édition, parce que celle du ms., la guerre, donne le même mot que la rime correspondante. — M.