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TROP, PROU,

Un mal y ha ; l’an trop peu dure
Pour faire ce que dire n’oze.

Je suis couvert d’un grand manteau,
Si bien fait, si large & si beau,
Que dessoubz luy nul sot n’eschappe ;
Mon saye est de drap bien nouveau ;
Puis j’ay en bonnet & chappeau
Assez pour faire à aultruy chappe.
Avecques mes gands tout j’attrappe
Et, quand soubz ma main les ay mis,
Sans grand ennuy nul n’en eschappe ;
Ainsi l’ay juré & promis.

Vous qui avez si belles testes,
Si vous ne ressemblez aux bestes,
Vous povez bien mon nom sçavoir.
Mes contenances sont honnestes ;
Tant aux jours ouvriers comme aux festes
Vostre œil ne peult rien meilleur voir,
Et la grandeur de mon povoir
Excède tout entendement.
Je suis celuy, à dire voir,
Qui ne hayt que droit jugement.


Prou commence:

Avez vous point ouy parler
De celuy qui ne peult celer
Son secret quand il est yvrongne,
Qui ne fait que venir, qu’aller
Pour les groz morceaulx avaller,