Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome IV.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
4
LES FARCES

accent, allourdis par cette sorte d’agglomération matérielle.

J’ai dit que ces comédies sacrées se séparaient des Mystères. Ce n’est pas seulement parce qu’elles sont pleines de l’esprit religieux nouveau, dont elles sont une manifestation bien curieuse & bien importante, mais aussi parce que leur établissement poétique en strophes lyriques qui y prédominent les en différencie profondément. À la fin du XVe siècle, il s’en introduisait quelque chose : tout en gardant le vers de huit pieds, on se séparait des rimes plates se suivant d’un vers à un autre, & on les entremêlait soit en quatrains, soit en huitains sur trois rimes, la forme par excellence du XVe siècle. Quand on ne fait pas la distinction des strophes, il semble que ce soit écrit au hasard & en rimes libres, ce qui est tout à fait une erreur. Marguerite, plus préoccupée de poésie que du dialogue dramatique, a cherché volontairement & poussé plus loin qu’aucun autre l’accumulation & la variété des rythmes[1]. Sous ce rapport, cette partie de son

  1. Dans quelques occasions, Marguerite a indiqué l’air sur lequel on les chantait. Ainsi, dans l’Adoration des Rois, un petit noël, en strophes de quatre vers de cinq pieds, est « sur le chant des Bouffons », qui est encore célèbre en 1558 (Voir Le Roux de Liucy, Recueil de chants historiques français, II, 1842, p. 206), &, dans le Désert, des strophes de quatre vers de sept pieds sout sur le chant :

    Pendant que je suis bon homme.

    Comme cette question des timbres est intéressaute, j’ajouterai ceux qui sont indiqués pour quelques chansous spirituelles des Marguerites de la Marguerite. Une pièce en distiques alexandrius à rime plate est sur l’air :

    Sur le pont d’Avignon, j’ouy chanter la belle.

    Deux pièces en strophes de dix vers de sept pieds sont, l’une sur une chanson d’amour :

    Trop penser m’y font Amours ;

    la secoude sur une autre chanson amoureuse :

    O l’espinelle du bois,
    Mon amour la desire.

    Enfin une dernière, en strophes de dix vers de six pieds, est sur :

    Las ! que dit-on en France
    Des gents de Luxembourg ?