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POÉSIES INÉDITES

Car vraye amour ne congnoist paour ny honte ;
Souvieigne vous de nostre amour honneste,
Dont ne devons pour nul baisser la teste,
Car nous sçavons tous deux certainement
Qu’Honneur & Dieu en sont le fondement ;
Souvieigne vous du très chaste embrasser
Dont vous ne moy ne nous pouvions laisser ;
Souvieigne vous de vostre foy promise
Par vostre main dedens la mienne mise ;
Souvieigne vous de mes doubtes passées,
Que vous avez en une heure effassées,
Prenant en vous si grande seureté
Que je m’asseure en vostre fermeté ;
Souvieigne vous que vous avez remis
Du plus parfaict de voz meilleurs amys
Le cœur, l’esprit & le corps en repos,
Par vostre honneste & vertueux propos,
Auquel je veulx adjouster telle foy
Que plus n’aura Doubte pouvoir sus moy ;
Souvieigne vous que je n’ay plus de paine
Que ceste là que avecques moy je maine,
C’est le regret de perdre vostre veue
Par qui souvent tant de joye ay reçeue ;
Souvieigne vous du regard de vostre œil,
Dont l’esloingner me faict mourir de dueil ;
Souvieigne vous du lieu, très mal paré,
Où fust de moy trop de bien séparé ;
Souvieigne vous des heures qui sonnoyent
Et du regret qu’en sonnant me donnoient,
Voyant le temps & l’heure s’advancer
Du despartir, où ne foys que penser ;
Souvieigne vous de l’adieu redoublé