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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS

cher, ce qu’elles firent très-bien, suivant en cela le commandement de leur maistresse, qui de son côté, fit de l’effrayée & craintive, disant que c’estoient ses beaux-frères qui s’estoient aperçeus de quelque chose & qu’elle estoit perdue, & qu’il se cachast sous le lict ou derrière la tapisserie. Mais M. de Bonnivet, sans s’effrayer, prenant sa cape à l’entour du bras & son espée de l’autre, il dit : « Et où sont-ils ces braves frères qui me voudroient faire peur ou mal ? Quand ils me verront, ils n’oseront regarder seulement la pointe de mon espée. » Et, ouvrant la porte & sortant, ainsi qu’il vouloit commencer à charger sur ce degré, il trouva ces femmes avec leur tintamarre, qui eurent peur & se mirent à crier & confesser le tout. M. de Bonnivet, voyant que ce n’estoit que cela, les laissa & les recommanda au Diable ; & se rentra en la chambre, & ferma la porte sur lui, & vint trouver sa dame, qui se mit à rire & l’embrasser & luy confesser que c’estoit un jeu aposté par elle & l’asseurer que, s’il eust fait du poltron & n’eust monstré en cela sa vaillance, de laquelle il avoit le bruit, que jamais il n’eust couché avec elle. Et, pour s’estre monstré ainsi genéreux & asseuré, elle l’embrassa & le coucha auprès d’elle, & toute la nuict ne faut point demander ce qu’ils firent ; car c’estoit l’une des belles femmes de Milan, & après laquelle il avoit eu beaucoup de peine à la gaigner.

« J’ay cogneu un brave Gentil homme, qui un jour estant à Rome couché avec une gentille Dame romaine, son mary absent, luy donna une pareille allarme, & fit venir une de ses femmes en sursaut l’advertir que le mary tournoit des champs. La femme, faisant de l’estonnée, pria le Gentil homme de se cacher dans un cabinet, autrement elle estoit perdue. « Non, non, » dit le Gentil homme, « pour tout le bien du monde je ne ferois pas cela, mais, s’il vient, je le tueray. » Ainsi qu’il avoit sauté à son espée, la Dame se mit à rire & confesser avoir fait cela à poste pour l’esprouver, si son mary luy vouloit faire mal, ce qu’il feroit & la défendroit bien.

« J’ay cogneu une très belle dame qui quitta tout à trac un serviteur qu’elle avoit, pour ne le tenir vaillant, & le changea en un autre qui ne le ressembloit, mais estoit craint & redouté extremement de son espée, qui estoit des meilleures qui se trouvassent pour lors. » (Éd. Lalanne, IX, 388-90.)

Page 87, lignes 22-7. — Poliphile ne parle pas autrement dans le temple où il rencontre Polia faisant ses oraisons : « Madame, en vostre main gisent ma vie & ma mort ; en vous est de me donner celle des deux qu’il vous plaira ; l’une ou l’aultre me sera agréable