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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS

Les mots nul autre, qui se trouvent dans le manuscrit que M. Le Roux de Lincy a suivi de préférence pour établir son texte, sont remplacés dans cinq manuscrits[1], dans les éditions originales de 1558, 1559, 1560 & dans plusieurs autres, par les mots neuf hommes.

Il me paroît évident que cette leçon doit être la bonne & est une allusion facile à comprendre pour les contemporains de la Reine de Navarre, au nom de l’Avocat dont l’histoire est racontée dans cette Nouvelle.

On lit en effet dans le Journal d’un Bourgeois de Paris, publié en 1854 par la Société de l’Histoire de France, à la page 13, année 1515, le passage suivant, que M. de Lincy a justement signalé comme ayant des rapports avec la Nouvelle xxve, mais la leçon qu’il suivoit l’a empêché d’y reconnoître les personnages mêmes de la Nouvelle :

« En ce temps, lorsque le Roy estoit à Paris, y eust ung Prestre qui se faysoit appeler Mons. Cruche[2], grand fatiste, lequel, un peu devant, avec plusieurs autres, avoit joué publiquement à la place Maubert, sur eschafaulx, certains jeux & novalitez[3], c’est assavoir Sottye, Sermon, Moralité & Farce, dont la Moralité contenoit des Seigneurs qui portoient le drap d’or à credo & emportoient leurs terres sur leurs espaules, avec autres choses morales & bonnes remonstrations. Et à la Farce fut ledict Monsieur Cruche & avec ses complices, qui avoient une lanterne, par laquelle voyoient toutes choses &, entre autres, qu’il y avoit une poulle qui se nourrissoit soubz une sallemande, laquelle poulle portoit sur elle une chose qui estoit assez pour faire mourir dix hommes. Laquelle chose estoit à interpréter que le Roy aymoit & joyssoit d’une femme de Paris, qui estoit fille d’un Conseiller à la Cour de Parlement, nommé Monsieur le Coq. Et icelle étoit mariée à un Advocat en Parlement, très-habille homme, nommé Monsieur Jacques Disome[4], qui avoit

  1. On lit neuf hommes dans 7572 Béthune ; 75722 ; Bigot 75725 ; Colbert 858 ; 7576 & 75762.
  2. Pierre Grosnet, dans sa Louange & Excellence des bons facteurs, a cité ce poète :

    Maistre Myro & maistre Cruche
    Estoient bons joueux sans reprouche ;

    le mot estoient semble indiquer que Cruche étoit mort au moins en 1533.
  3. Sic dans l’imprimé : c’est sans doute moralités.
  4. Mezeray, p. 42 de ses Mémoires, dit, ce qui me paroît un peu hasardé, qu’il apporta le premier les belles-lettres au barreau, & que c’est lui qui fit ce