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DU TOME SECOND

tout plain de biens dont le Roy se saisit. Tost après le Roy envoya huict ou dix des principaux de ses Gentilzhommes, qui allèrent soupper à la taverne du Chasteau, rue de la Juifverie, & là y fut mandé, à faulces enseignes, le dict Messire Cruche, faignants lui fayre jouer la dicte farce ; dont luy venu au soir, à torches, il fut contrainct par les dictz Gentilzhommes jouer la dicte Farce ; parquoy, incontinent & du commencement, iceluy fut despouillé en chemise, battu de sangles merveilleusement & mis en grande misère. A la fin, il y avoit un sac tout prest pour le mettre dedans & pour le getter par les fenestres, & finalement pour le porter à la rivière ; & eût ce esté faict, n’eust esté que le pauvre homme cryoit très-fort, leur monstrant sa couronne de Prestre qu’il avoit en la teste ; & furent ces choses faictes, comme advouëz de ce faire du Roy. »

L’Avocat notable désigné dans ce récit & dans un autre qui va suivre, Jacques Disome, fut marié deux fois. Sa première femme, Marie de Rueil, étoit morte le 17 septembre 1511 & avoit été enterrée aux Cordeliers[1]. Il épousa ensuite Jeanne Lecoq, fille de Jean Lecoq, Conseiller au Parlement[2] & de Magdeleine Bochort ; c’est elle l’héroïne de la nouvelle.

Je pense que ce second mariage eut lieu peu après la mort de Marie de Rueil, car, pour que la liaison de François Ier avec Mme Disome fût aussi connue en 1515, il falloit qu’elle remontât

à une époque antérieure ; & d’ailleurs, pour que ce Prince eût un

    distique qui est sur la porte de derrière de la maison & jardin de M. de Vileroy, à Charenton :

    Consequor ex hoc rure, senex, quod Comitus olim
    Ut nec agri aut urbis me satias capiat.

  1. Épitaphes de Paris.
  2. Famille illustre qui posséda les fiefs de Goupillières & de Corbeville, & celui bien plus connu des Porcherons. C’est d’elle que le siège de cette seigneurie, situé rue Saint-Lazare, prit le nom de château Lecoq ou du Coq. La rue de Clichy, bâtie sur ce fief, s’appeloit, sous Louis XIV & Louis XV, rue du Coq, & on voit encore trois coqs (armes de cette famille) formant girouette sur un reste du château. Louis XI y coucha avant d’entrer à Paris, après son sacre, & Israël Silvestre a gravé le joli petit château qui existoit de son temps. C’est une des planches peu communes de son œuvre. Quant aux Bochart, leur famille étoit non moins connue que celle des Lecoq. Science, vertu, piété, elle réunissoit tout ce qui dans un temps ordinaire eût mérite le respect & l’affection des hommes. Aussi son chef fut-il égorgé par ordre de l’infâme gouvernement révolutionnaire. Le Conservatoire des arts & métiers recèle nombre d’instruments de précision butinés chez le Président Bochart de Saron après son meurtre. Voir son éloge par Cassini ; Paris, 1810, in-8o
Hept. IV.
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