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LE MALLADE

Le Médecin.

Or le feu sainct Anthoine t’arde !
J’en suis bien plus joyeulx que toy.

La Femme.

Monsieur, laissez ceste coquarde ;
Mais je vous requiers, dictes moy,
Peult ung homme par seulle foy
Guarir sans prandre médecines ?

Le Médecin.

Ouy vrayement, car je croy
Que Dieu faict miracles & signes.

C’estoit du temps de Jésuchrist
Que tout chascun il guarissoit ;
Mais de nous dit le sainct Escript
Que le Médecin, quel qu’il soit,
Fault honnorer. Poinct ne déçoit
Salomon[1], duquel par la bouche
La vérité de Dieu yssoit ;
À nostre honneur nully ne touche.

Dieu, voyant que sa créature
Sans malladye ne peult vivre,
Nous fist [à] ayde de Nature
Par qui de mal elle est délivre,
El ceste science en maint livre

  1. « Honora Medicum propter necessitatem ; etenim illum creavit Altissimus. Disciplina Medici exultabit caput illius & in conspectu magnatorum collaudabitur. » Salom., Eccles., XXXVIII, 1 & 3. — M.