Page:Marguerite de Navarre - Les Marguerites de la Marguerite des Princesses, t. 1, éd. Frank, 1873.djvu/157

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Ce fait n'est tel que de laisser un filz, Ny, comme enfant, son bon pere offenser, Ny, comme sœur, murmurer et tenser. Las, c'est bien pis ; car, plus grande est l'offense, Ou plus y a d'amour et congnoissance, Plus on reçoit de son DIEU privauté, Plus luy faillir est grand' desloyauté.

Moy, qui estois nommée espouse et femme, De vous aymée comme vostre propre ame, En diray je la verité ? ouy. Laissé vous ay, oublié et fouy. Laissé vous ay, pour suyvre mon plaisir ; Laissé vous ay, pour un mauvais choisir Laissé vous ay, source de tout mon bien, Laissé vous ay, en rompant le lien De vraye amour et loyauté promise. Laissé vous ay ; mais où me suis je mise ? Au lieu où n'a que malediction. Laissé vous ay, l'amy sans fiction, L'amy de tous digne d'estre estimé, L'amy aymant premier que d'estre aymé. Laissé vous ay, ô source de bonté, Par ma mauvaise et seule volunté. Laissé vous ay, le beau, le bon, le sage, Le fort de bras et le doux de courage. Laissé vous ay, et, pour mieux me retraire[1] De Vostre amour, ay prins vostre contraire.

  1. Deuter. 32.