Page:Marguerite de Navarre - Les Marguerites de la Marguerite des Princesses, t. 4, éd. Frank, 1873.djvu/14

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LA PREMIERE DAME.



Pour ne le voir.
O trop aymant plus que vostre devoir,
Vueillez bien tost à vostre cas pourvoir,
Ou vous pourrez trop de malheur avoir
En poursuyvant
Ce qui en fin se convertit en vent.
Vous estez tant et honneste et sçavant,
Beau et parfait (je diray plus avant),
Qu’onques ne vis
Sy bonne grace, au moins à mon advis,
Ny un parler de sy plaisant devis,
Tant que souvent, quand sommes viz à viz
L’heure se passe
Sans la sentir; ny onques ne fuz lasse
De vous ouyr : car vostre parler passe
Tous ceux qui ont jamais eu bonne grace.
Et si possible
M'estoit d’aymer le bien tant indicible
Qu’en vous je voy, voire incompréhensible,
Convertirois mon dur cœur invisible
A vous aymer.
Et ne craindrois que mal m’en sçeust blasmer.
Mais je ne veux point nager en la Mer
Tant périlleuse, et où tant a d’amer,
Et rien de doux,
Et où je voy périr à tous les coups
Les bons espritz tourner dessus dessoubz,