Page:Marguerite de Navarre - Les Marguerites de la Marguerite des Princesses, t. 4, éd. Frank, 1873.djvu/15

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LA PREMIERE DAME.


Et devenir les sages pis que foulz.
Bref, c'est un pas
Que je congnois et où je n’iray pas,
Sachant tresbien que tous les doux appas
Que l’on y voit sont dangereux repas :
Je n’en veux point.
Mon cœur sera libre, voilà le poinct.
Si vous errez (et Dieu vous le pardoint),
Mieux vous vaudroit tout nud ou en pourpoint
Mourir de faim,
Que de languir si beau, si fort, si sain
De biens, d’honneur et de plaisir tout plein,
Sans avoir mal, fors que dessoubz le sein
Le cœur vous bat ;
Mais en fault il faire un si grand sabat ?
Vous le devriez prendre pour un esbat ;
Et l'on diroit que la Mort vous combat,
Veu le visage
Que vous portez, qui est d’homme peu sage,
Ou tout au vif de Desespoir l’image ;
Car vous perdez contenance et langage,
Grâce et propoz,
Et moy aussi tout plaisir et repos.
Quand j’apperçoy vie, couleur et poulx,
Joye et santé pour moy faillir en vous ;
O malheureuse,
La cause en suis : qui me rend doloureuse